Quelque 110 000 personnes, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, ont défilé en France, samedi 7 septembre, contre « le coup de force » d’Emmanuel Macron. Avec quelque 150 mobilisations prévues dans tout le pays, la gauche, La France insoumise (LFI) en tête, a choisi la rue comme tour de chauffe d’un automne politique qui s’annonce brûlant.
La cheffe de file des députés « insoumis », Mathilde Panot,a annoncé 160 000 manifestants à Paris et 300 000 en France. Dans la capitale, la préfecture de police a estimé le cortège à 26 000 personnes.
Des jeunes venus en nombre
A Nantes, la manifestation a rassemblé entre 2 500, selon la préfecture, et 8 000 participants, selon les organisateurs. A Rennes, la manifestation a réuni, dans le calme, 4 800 personnes. L’affluence était moindre à Nice. Dans un département où RN, LR et les listes d’union Eric Ciotti-RN se partagent l’ensemble des neuf circonscriptions, de 900 à 1 000 personnes, selon les sources, ont marché derrière la banderole « Défendons notre démocratie ».
Mélenchon ovationné par les militants
À 14h30 pile, le cortège se met en route, dans le calme. Au premier rang, Manès Nadel, président de l’Union syndicale lycéenne, et Éléonore Schmitt, porte-parole de l’Union étudiante, sont entourés de Louis Boyard, Mathilde Panot, Manon Aubry et Rima Hassan. Avant d’être rejoints par le ténor de LFI : Jean-Luc Mélenchon. Acclamé par la foule, le chef des Insoumis s’exprime face aux militants. «Emmanuel Macron aurait pu nommer. Lucie Castets première ministre . Il ne l’a pas fait… Parce que nous comptions appliquer notre programme !», lance-t-il. Avant de fustiger une nouvelle fois le choix de Michel Barnier comme premier ministre. «Vous, vous êtes habitués à tricher ! Pas nous !» a-t-il attaqué, avant de confirmer que «quoi qu’il arrive, nous voterons la censure d’un tel gouvernement».
Le fondateur de LFI, souvent critiqué pour son refus de passer la main, a par ailleurs salué l’organisation de ce rassemblement. «Cette manifestation, quelle glorieuse idée qu’elle soit à l’initiative de la jeunesse ! […] Que la France soit identifiée à sa jeune génération !»
C’est donc tout naturellement que la jeunesse a pris la parole au début de la manifestation. À commencer par Manès Nadel, 17 ans. «Cela fait deux mois qu’Emmanuel Macron mène un coup de force contre le NFP, a dénoncé le lycéen. Nous avons décidé d’appeler à la mobilisation car c’est à la jeunesse d’être à l’avant-garde de la contestation contre ce coup de force.» Il a fustigé «un abus de pouvoir» et appelé à se «montrer unis, fiers, pour dire non au coup de force d’Emmanuel Macron». Un discours partagé par Éléonore Schmitt. «Macron refuse de se soumettre aux résultats des urnes. La jeunesse s’est exprimée de façon très claire contre le RN. Mais le Président essuie d’un revers de la main notre volonté. Cette mobilisation du 7 septembre ne doit pas être la dernière.»
«Macron n’aurait pas pu choisir pire ministre»
À chaque prise de parole, le public hurle son approbation. Pour autant, dans les rangs, ni débordements, ni rage ne se font sentir, comme cela a pu être le cas lors de précédents rendez-vous contre la réforme des retraites, par exemple. Pour Isabelle et Emmanuelle, quinquagénaires, cette manifestation était un rendez-vous à ne pas manquer. «On ne peut pas ne pas y participer. Ce qui se passe est un affront aux résultats des législatives. On les déteste tous, Macron et compagnie !», partage Emmanuelle, enseignante. Sur son sac à main, Isabelle arbore un autocollant «Macron, dégage». Celle qui travaille dans le secteur social estime qu’Emmanuel Macron «n’aurait pas pu choisir pire que ce premier ministre». Habituée des manifestations, elle se dit «surprise par le monde». «La rue est pleine à craquer !», confie cette habitante de Clamart.
« Bataille de longue durée »
« La démocratie, ce n’est pas seulement l’art d’accepter d’avoir gagné, c’est aussi l’humilité d’accepter de perdre », a ainsi lancé le patriarche Insoumis Jean-Luc Mélenchon à l’adresse d’Emmanuel Macron, juché sur un camion dans le cortège de la capitale. « Je vous appelle à une bataille de longue durée », a-t-il également lancé à la foule, se réjouissant de la mobilisation sur les 150 marches revendiquées ce samedi dans le pays. Le choix de Michel Barnier, issu de la droite, a renforcé la détermination des manifestants. « Nous voyons qu’un pacte a été scellé entre la macronie, la droite et l’extrême droite », a pesté la députée LFI Aurélie Trouvé, alors que fusaient dans la foule des « Macron démission ». Si M. Barnier a indiqué vendredi être prêt à travailler avec la gauche, « personne n’est dupe », a ajouté Mme Trouvé, qui n’a guère apprécié son discours de fermeté sur l’immigration, jugeant qu’il répétait « ce que l’extrême droite a toujours dit ». « Ce que Macron nous offre ce n’est pas une cohabitation, c’est une provocation », a tancé de son côté sur BFMTV la cheffe des écologistes Marine Tondelier, promettant de ne pas se « résigner », depuis le rassemblement de Lille.
« Rassembler autour d’un projet d’action »
Lors de son premier déplacement sur le terrain, à l’hôpital Necker à Paris, Michel Barnier a récusé les mots de « coup de force, qu’il n’a pas lieu de prononcer ». « On n’est pas dans cet état d’esprit là : l’esprit, c’est de rassembler autour d’un projet d’action gouvernementale », a-t-il encore plaidé, faisant valoir que la situation financière du pays était « grave ».
Le Premier ministre a également poursuivi ses consultations à Matignon où il a échangé samedi matin avec sa prédécesseure Élisabeth Borne, avant de déjeuner à l’Assemblée nationale avec la présidente Yaël Braun-Pivet.