
L’Afrique est-elle condamnée à subir l’éternel retour des coups de force constitutionnels ? Depuis plusieurs décennies, le continent est le théâtre d’une dérive où certains dirigeants, une fois au pouvoir, s’emploient à manipuler les lois fondamentales pour s’y maintenir indéfiniment. Pourtant, derrière chaque tentative de tripatouillage constitutionnel, c’est la démocratie elle-même qui vacille et avec elle, l’espoir de millions de citoyens aspirant à un véritable changement.
Le pouvoir comme une propriété personnelle
Dans de nombreux pays africains, la présidence est perçue non pas comme une fonction temporaire confiée par le peuple, mais comme un privilège personnel à défendre coûte que coûte. Cette mentalité explique pourquoi tant de chefs d’État refusent de céder leur place, quitte à tordre la Constitution à leur avantage. Sous prétexte de stabilité ou de nécessité historique, ils s’octroient des mandats prolongés à travers des référendums biaisés, des parlements soumis ou des décisions judiciaires complaisantes.
Des exemples récents illustrent ce fléau : En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a suivi la même voie en invoquant une “nouvelle République” en préparant un quatrième mandat . Au Togo, la famille Gnassingbé se maintient au pouvoir depuis plus de 50 ans. Cette tendance illustre une crise profonde de gouvernance où la loi fondamentale est devenue une simple formalité adaptable aux ambitions d’un seul homme.
Un mépris du peuple et de l’alternance démocratique
Ce mépris des constitutions va de pair avec un dédain envers les aspirations populaires. Lorsque la jeunesse, la société civile et l’opposition contestent ces dérives, la réponse est souvent brutale : répression policière, arrestations arbitraires, censure des médias. Pourtant, ces contestations révèlent une prise de conscience croissante des peuples africains. De plus en plus de citoyens refusent de voir leurs pays sombrer dans le règne à vie et réclament des transitions démocratiques dignes de ce nom.
L’illusion du “progrès sous l’homme providentiel”
L’un des arguments favoris des dirigeants qui prolongent leur règne est celui de la continuité du développement. Selon eux, seule leur présence garantit la stabilité économique et politique. Mais l’histoire récente prouve que cette logique ne tient pas. Là où des leaders ont tenté de s’accrocher au pouvoir, cela a souvent mené à l’instabilité et au chaos : guerres civiles, coups d’État, crises économiques. Le développement durable ne se bâtit pas sur un homme, mais sur des institutions solides et une gouvernance respectueuse des règles.

L’urgence d’une nouvelle conscience politique
Si l’Afrique veut tourner la page des mandats anticonstitutionnels, elle doit encourager une nouvelle culture politique basée sur le respect des textes fondamentaux et l’alternance démocratique. Les jeunes générations, qui constituent la majorité de la population, ont un rôle clé à jouer en refusant la fatalité et en imposant un débat démocratique rigoureux.
Il est temps de briser le cercle vicieux des présidents à vie et de redonner au peuple la place qui lui revient : celle du véritable souverain. L’Afrique ne peut pas se développer dans la tricherie institutionnelle, mais dans le respect des principes démocratiques. L’histoire nous regarde.