
En Afrique francophone, le troisième mandat est devenu une spécialité politique à part entière. Entre promesses oubliées, Constitutions customisées et appels imaginaires du peuple, nos présidents excellent dans l’art de la longévité. Petit manuel de survie politique à l’africaine.
C’est une passion. Une obsession. Une vocation presque. Rester au pouvoir. Et si possible, y mourir de vieillesse ou de fatigue électorale. En Afrique francophone, le troisième mandat n’est pas un abus de pouvoir, c’est une tradition républicaine non écrite, une danse subtile entre la Constitution et l’instinct de conservation.
Le principe est simple : quand la fin approche, on change les règles. On convoque des « assises nationales », on consulte des chefs traditionnels qui n’ont jamais eu internet, on parle de « nouvelle République », on met une jolie photo du président dans tous les carrefours, et hop, le tour est joué.
Ouattara a osé . Sassou Nguesso, lui, ne compte plus. Il est dans le bonus. Même la Constitution ne veut plus le contredire. Elle se contente de l’accompagner.
La vraie magie, c’est que tout cela se fait au nom du peuple. Un peuple mystérieux, qu’on n’entend jamais dans les urnes mais qu’on invoque dans tous les discours. « Le peuple me demande de rester », dit le président. Curieusement, ce même peuple manifeste dans la rue, fuit dans les avions, ou se noie dans la Méditerranée. Mais visiblement, il demande.
La cerise sur le gâteau ? C’est quand les présidents promettent de ne pas se représenter. On les croit. On applaudit. On chante. Puis, six mois plus tard, ils « cèdent à la pression populaire ». Le peuple a encore parlé. En silence.
Et après ? Après, ce sont les mêmes promesses, les mêmes résultats, les mêmes ministres recyclés depuis les années 90. L’avenir, lui, attend toujours dans la salle d’attente. Parfois armé. Parfois exilé. Mais toujours frustré.
Les constitutions ? Ce ne sont plus des lois fondamentales, mais des feuilles volantes, prêtes à être déchirées, réécrites, plastifiées selon l’humeur présidentielle. Et la démocratie dans tout ça ? Elle est là, bien sûr. Dans les discours. Sur les banderoles. Sur les affiches. Mais sur le terrain, c’est une démocratie cardio-respiratoire : elle respire à peine, sous assistance.
Et pendant ce temps, les jeunes partent. Pas pour aller voter. Non. Pour aller chercher de l’oxygène ailleurs. En Europe, au Canada, dans les bateaux pneumatiques. Parce que leur avenir, on l’a sacrifié sur l’autel de la longévité politique.
Alors oui, le troisième mandat, c’est une tradition. Comme le griot, comme le foutou, comme les coupures d’électricité. Et chaque président se dit qu’il sera l’exception. Jusqu’au jour où le peuple, lui aussi, décide de tripatouiller les règles……………….